Manquement à la probité du commissaire aux comptes: ne pas préciser à l'entité contrôlée que les honoraires du CAC sont librement convenus (Cass. 4 janvier 2023 N°21-14547)
la Cour de Cassation, dans son arrêt du 4 janvier 2023 (n° de pourvoi: 21-14547) estime qu'un commissaire aux comptes est susceptible de commettre une faute pour manquement à la probité si celui-ci affirme que ses honoraires relèvent d'un barème légal alors qu'ils sont librement convenus entre les parties:
-"En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société X. (CAC) n'avait pas affirmé à la société Y. (entité contrôlée) que les honoraires réclamées relevaient d'un barème légal, cependant qu'ils sont librement convenus entre les parties, et, à supposer ce fait établi, si elle n'avait pas cherché à induire en erreur son cocontractant et, ce faisant, n'avait pas commis un manquement à l'obligation de probité, de nature à justifier le relèvement de fonctions de commissaire aux comptes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision..."
Pour mémoire,
Le régime juridique encadrant la détermination du volume d’heures de travail et le taux horaire n’est pas le même.
1) La détermination du volume d’heures de travail est régie par les articles R823-12 et R823-14 du code du commerce.
L’article R823-12 du code du commerce précise que le volume horaires nécessaires aux diligences d’un commissaire aux comptes se détermine « en fonction du montant du bilan de la personne ou de l'entité, augmenté du montant des produits d'exploitation et des produits financiers, hors TVA, un nombre d'heures de travail normalement compris entre les chiffres suivants… ».
C’est cet article qui est habituellement appelé barème légal.
Dans l’hypothèse où le volume horaires nécessaires aux diligences d’un commissaire aux comptes sortirait de la normalité alors aux termes de l’article R383-14 du code du commerce, il convient de mettre en œuvre la procédure dérogatoire : « Si le nombre d'heures de travail normalement nécessaires à la réalisation du programme de travail du ou des commissaires aux comptes apparaît excessif ou insuffisant, le président de la compagnie régionale est saisi par la partie la plus diligente d'une demande de dérogation aux nombres indiqués à l'article R. 823-12. Cette demande indique le nombre d'heures estimées nécessaires et les motifs de la dérogation demandée. Elle est présentée préalablement à la réalisation de la mission. L'autre partie fait connaître son avis. »
Or cette dérogation concernant le volume normal de diligence échappe totalement à la liberté des parties car aux termes de l’article R823-14 du code du commerce c’est de la seule compétence du président de la compagnie : « Le président de la compagnie régionale rend sa décision dans les quinze jours de la demande. Cette décision peut faire l'objet d'un recours devant le président de la compagnie nationale qui est saisie et statue dans les conditions prévues à l'article R. 823-18…»
Ce même article précise bien que : « le président de la compagnie régionale est saisi par la partie la plus diligente d'une demande de dérogation aux nombres indiqués à l'article R. 823-12 »
2) Seul le taux horaire peut faire l’objet d’une négociation libre entre les parties.
Selon l’article R823-15 du code du commerce le taux horaires (le « montant de vacation horaire »)
- « Pour les missions de certification des comptes, le montant de la vacation horaire est fixé d'un commun accord entre le ou les commissaires aux comptes et la personne ou l'entité contrôlée, préalablement à l'exercice de la mission. Les frais de déplacement et de séjour engagés par les commissaires aux comptes dans l'exercice de leurs fonctions sont remboursés par la personne ou l'entité, sur justification. »
La faculté de négociation libre n’est ouverte qu’exclusivement pour le taux horaire.
Ainsi l’arrêt de la Cour de cassation du 4 janvier 2023 (N° de Pourvoi 21-14547), qui a censuré l’arrêt de la Cour d’appel de Besançon, a visé explicitement l’article R823-15 du code du commerce et l’a explicité comme suit :
- « En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Haussmann n'avait pas affirmé à la société Y. que les honoraires réclamés relevaient d'un barème légal, cependant qu'ils sont librement convenus entre les parties… »
De sorte que la Cour d’appel de renvoi est invitée à examiner si la société X. (CAC) n’aurait pas affirmé que le taux de la vacation horaire relèverait d’un barème légal.
3) Il convient d'ajouter que la Cour de Cassation utilise de plus la notion d'erreur.
Selon une analyse possible de l’arrêt de la Cour de cassation, celle-ci invite la Cour a examiner si le commissaire aux comptes aurait tenté de commettre un des vices du consentements au sens que lui donne le code civil.
Selon l’article 1130 du Code civil : « L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contractée ou aurait contractée à des conditions substantiellement différentes. » Ce qui entraîne la nullité des contrats selon l’article 1131 du Code civil.
L’article 1137 du Code civil expose que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. L’article 1138 du Code civil précise que le dol est constitué également lorsque : s'il émane du représentant, gérant d'affaires, préposé ou porte-fort du contractant. Il l'est encore lorsqu'il émane d'un tiers de connivence.
Cela dit la notion d'erreur est relative à la personne de celui qui l'invoque, ici nécessairement des actionnaires ou un mandataire social. Cet arrêt donne le sentiment que l'actionnaire ou le chef d'entreprise sont traités et protégés comme un consommateur.
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